Carine Puyo nous a accordé une interview, pour nous parler de son exposition : « COMBAT-REGARD « qui se déroulera du 19 mai au 16 juin 2022 à Toulouse.

Bonjour Carine, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Bonjour,
Je m’appelle Carine Puyo, j’ai 43 ans. Mes aventures artistiques ont commencé sur les scènes rock des années 90 et je suis tombée dans la photo il y a quelques années. Je travaille dans le secteur culturel, pour l’association Combustible, que j’ai co-créé en 2005.
Pourquoi les sports de combat ?
Lorsque j’ai débuté en photographie en 2016, je voulais travailler sur le mouvement et la résilience. Je n’avais quasiment aucune connaissance technique et je cherchais un terrain pour expérimenter car c’est ma forme d’apprentissage favorite.
A l’époque, je pratiquais assez intensément le Krav Maga, à la salle de la Colombette du Toulouse Fight Club. J’avais commencé en 2010 et j’étais passionnée par cette pratique. Il m’est apparu comme une évidence de prendre l’appareil avec moi à l’entrainement, pour photographier les copines et les copains !
Hors conditions extrêmes, les dojos et les rings font certainement parties des pires conditions de prises de vues ! L’éclairage est horrible, les sujets bougent dans tous les sens de façon inattendue… donc ça a été très formateur ! Je pense que c’est là que je suis devenue photographe.
Pourquoi cette exposition » Combat-Regard » ?Une première exposition intitulée « Combat » a eu lieu dans une peña Bayonnaise en 2017, pendant les journées du patrimoine. Mon intention était de montrer ce que je voyais de beau – ce qui est extrêmement subjectif – dans les combats mais aussi de questionner les publics, moi y compris, sur ce que ces pratiques renvoient à nos sociétés de plus en plus policées.
Ayant la chance de photographier vraiment du bord du ring, les coudes dessus même, j’étais littéralement entre les combattants et le public. J’ai été frappé par la différence d’état entre les deux.
Les combattantes et combattants qui montent sur le ring ne semblent aspirer qu’au calme intérieur, à la colère froide, à la concentration absolue alors que leurs peurs ou leur rage sont parfois palpables. Le public lui, semble au contraire très rapidement basculer dans une catharsis générale mêlant admiration, effroi, espoirs, déceptions, … comme si ici, toutes les passions de la vie se jouaient.
Je me demande toujours quel est le moteur de ceux et celles qui montent sur le ring. La colère certainement, le besoin de dépassement de soi, la passion, la résilience justement… et parfois, je me dis que le spectacle est cher payé pour eux. Je me demande si le public se rend compte de la somme des sacrifices nécessaires pour en arriver là. J’ai fait beaucoup de live en musique et je sais ce que ça demande mais c’est une autre histoire de monter sur scène pour se battre.
Je crois qu’elles et ils sont des gladiateurs modernes, des sortes de supers héros de la Pop Culture, dignes de Comics. C’est en tout cas souvent comme ça que je les vois et que j’ai envie de les montrer au travers de mes photos.
Peut-on en savoir plus sur l’intitulé ?Sur cette base de travail, Laurent Vildary en charge des expositions chez Samba Résille m’a proposé de créer cette exposition en l’axant spécifiquement sur les regards. C’est lui qui a fait la sélection finale. Je suis ravie qu’il ait vu ça justement dans mon travail, car c’est pour moi une donnée essentielle.
Au-delà des jours, des années de préparation physique, d’entrainement, de souffrances et de passions, il me semble que c’est souvent finalement le mental qui va permettre de gagner ou de perdre un combat.
Avant chaque début de combat, j’essaie de deviner et je parie en moi-même sur le gagnant ou la gagnante, juste en observant les regards et le langage corporel de chaque fighter, qui monte sur le ring.
Des quelques combats de haut niveau que j’ai pu voir, j’ai vraiment été impressionné par les forces de caractère à l’œuvre, le calme alors que le chaos s’abat tout autour, les stratégies misent en place pour faire plier l’adversaire et ce moment où justement l’un des deux sait qu’il a perdu, parce qu’il a renoncé.
Voir ça dans les yeux de sportifs aussi investis physiquement me donne toujours une leçon d’humilité, autant de la part du perdant que du gagnant, parce qu’ils savent que la fois d’après, les rôles pourraient être inversés.
Est-ce qu’il y a un lien avec l’œil du photographe aussi ?
Évidement je projette ma propre vision très pop, très saturée, très héroïque dans mes photos. J’essaie de mettre en avant aussi la dignité et l’humanité des personnes dans chaque situation.
Mais ce qui m’intéresse ici, c’est vraiment ce qui se joue entre les combattants, leurs staffs dans les coins, les jurys en bord de ring, l’arbitre, les autres photographes tout autour et les publics, les amateurs avertis, les néophytes, les jeunes et les moins jeunes, les hommes et les femmes… Il me semble que leurs regards en disent long sur l’intensité du moment !
Qui sont les combattants photographiés ?
Il y a une telle variété d’émotions dans ces scènes, qu’il est rare de retrouver ça ailleurs. Ça a d’ailleurs été compliqué pour moi de passer à autre chose en photographie, car beaucoup de sujets semblaient fades en comparaison.
J’ai eu la chance de côtoyer quelques-uns des combattants que j’ai pris en photo, à l’époque où je pratiquais le Krav Maga, à Toulouse.
Antony Réa évidement, au palmarès national et international impressionnant, qui est l’exemple même du calme, de la technique, de l’expérience et de la maitrise en combat. Mais lorsqu’il s’avance vers le ring sur l’envolée de Carmina Burana, il donne l’impression de partir à la guerre, suivi par tous les chiens de l’enfer ! Il m’impressionne à chaque fois alors même qu’il est le prof le plus gentil, accessible, passionné et patient possible à l’entrainement. Je n’ai quasiment jamais vu de doutes dans ses yeux. La seule fois où une ombre est passée dans son regard, un retour au coin coaché par son frère, a suffi à l’effacer et à lui donner la victoire sur le round d’après.
Christophe Réa justement, dont j’ai eu la chance de voir le retour sur le ring après presque dix ans de pause. Lors de son combat aux Golden Belts 34 de 2017, il est bras et jambes noués autour du cou de son adversaire, qui se relève de toute sa hauteur et qui le projette au sol de toutes ses forces, juste devant moi. Le regard de Christophe ne bouge pas. Il reste planté dans celui de l’italien qui lui vacille à ce moment-là, car il vient de comprendre que rien ne pourra atteindre à ce regard.
Toujours en Pankido, Thibault Audrain, Frankie Rollandt, Rafiki Bugingo ou Anthony Argerich dit Furax, qui a la réputation de continuer à avancer quoi qu’il arrive !
Des boxeurs aussi, avec notamment la stratégie huée et sifflée par le public mais payante de Matiouze Royer, qui après avoir encaissé pendant plusieurs rounds, a eu raison de la concentration et des assauts lourds de Cyril Joly, à Bayonne en 2018.
Lizzie Largillierie au Boxe in Defi à Muret en 2017, en full contact. Un des rares combats féminin pro auquel j ai eu la chance d assister. Et quel combat ! »
Qu’attendez-vous de ce vernissage ?
Sur quatre ans de travail de prise de vue et d’édition, il est vraiment très compliqué de faire un choix et c’est toujours très frustrant de ne pas pouvoir tout montrer !
Que ce soit un moment festif et joyeux ! A cause de la pandémie, l’expo a été repoussée trois fois !
C’est l’occasion pour moi de partager plusieurs de mes passions et de mes univers, qui se croisent peu. D’un côté, les pratiquants de sports de combats, que j’ai côtoyé pendant huit ans. Ça compte ! De l’autre, mon secteur natif, de la création artistique et culturelle.
Dans les clubs, j’ai souvent été marqué par la mixité des publics et même si ce n’est pas toujours le cas, par le respect entre les pratiquants. Comme si les différences et les opinions de chacun, restaient aux vestiaires. Sur les tapis, on aspire à être égaux et bienveillants… la plupart du temps. Sans idéaliser, j’y ai vu de belles réussites de mixités sociales, le rêve de tout professionnel de la médiation culturelle !
Si les gens se rencontrent, se parlent, se posent des questions et que les points de vue bougent ne serait-ce qu’un peu, alors je serais comblée !
Mot de la fin
Merci à MMA Story France de m’avoir donné la parole et de mettre en avant cet évènement qui me tient particulièrement à cœur !
Expo “Combat – Regard”
Vernissage le jeudi 19 mai, de 18H30 à 22H30
Samba Résille 38 rue Roquelaine 31000 Toulouse
Exposition visible jusqu’au 16 juin 2022
Du mardi au vendredi, de 10h à 12h et de 14h à 18h
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